(fb) les interdits ☽ rivage

Il fait de plus en plus chaud, l’air est moite et la musique bat contre les tympans. Mais Andrea reste impassible, malgré cette chemise qui lui serre la gorge, malgré cette veste trop ajustée dont il pourrait se débarrasser allégrement. Il commence à s’habituer à l’inconfort de ces soirées. Aux températures trop élevées, aux bruits assourdissants mais surtout, aux jeunes alcoolisés qui jouent avec ses nerfs. Et malheureusement, à ces jeunes-là, il ne peut dire leur dire non, ni leur mettre son poing dans la figure. Les multiples zéros qui s’affichent sur leur compte en banque leur accordent la plus haute des protections. Et lui, il est obligé de se contenter d’être leur larbin. Un larbin dont ils ont pris l’habitude de passer la soirée avec. C’est qu’il est, depuis quelques temps, officiellement attitré au carré VIP réservé aux Lionheart et à toute leur suite. Planté devant ce coin si spécial et réservé à l’élite, à ne laisser passer que ceux qui ont le privilège d’être de la haute société de cette ville et surtout empêcher les gueux de se taper l’incruste.

Tout ça, c’est un monde à part qu’Andrea touche simplement du doigt. Ca le ronge souvent de devoir s’imposer ce à quoi il n’a pas droit. Mais il sait aussi qu’il se rapproche de plus en plus de ce dont il rêve. Si près, mais si loin. Triste paradoxe. Et il cherche du regard celui qui le rapproche au plus près du soleil d’une vie dorée. Un soleil si brulant mais si tentant. Mais nulle trace de Goldie. Nulle trace de personne. Ils se sont tous évaporés ailleurs. Sur la piste de danse à se déhancher, au bar à se saouler toujours plus, aux toilettes à regretter d’avoir justement pris le verre de trop…Les canapés sont tristement vides, eux qui sont pourtant la cible de toutes les avidités pour se montrer et se pavaner face à la plèbe. Vides ? Pas vraiment. Une seule et unique personne est restée dans l’endroit déserté. Et s’il avait pu choisir, Andrea aurait préféré quelqu’un d’autre. Pas le vilain petit canard des Lionheart. Pas Rivage.

Alors il préfère se concentrer à nouveau sur la foule face à lui. La foule désinhibée et transpirante qui profite d’une bonne soirée, pendant que lui, il doit se contenter d’observer. Et surtout d’oublier la présence désagréable du jeune homme derrière lui. Pourquoi est-il resté là tout seul d’ailleurs ? Pourquoi n’est-il pas avec sa famille ? ses amis ? ou ses groupies ? ces idiotes avec les étoiles plein les yeux, la bouche en cœur, et qui s’extasient devant chacun de ses contenus postés sur internet ? Merde, il se remet à penser à quelque chose d’inutile. D’honteux qui plus est. Parce qu’il n’est pas mieux que ces gamines écervelées, lui-même qui suit sa vie en secret à travers un écran. L’abruti fini, c’est bel et bien lui. Et il regarde sa montre, pressé que son service se termine le plus rapidement possible.